Après le vernissage de l’exposition photographique UPHO6 ce jeudi 22 mai, les impressions d’AURELIA MILGU :
PERSONAE GRATAE, les ambassadeurs.
Qui a dit qu’il ne fallait pas réaliser ses fantasmes ?
Pour sa dernière exposition photographique au 74 Cours Saint-Louis, l’association Cdanslaboite a concrétisé un de ses nombreux rêves : réunir les œuvres de photographes confirmés, proposant des regards d’auteurs inspirés, et travaillant tous autour de Bordeaux, où leurs talents sont pourtant rarement mis en avant.
Sous cette lumière si particulière qui traverse les fenêtres administratives du CCAS, voici trois ambassadeurs d’une certaine photographie : la grande, la belle, l’ambitieuse.
Loïc Le Loët vit en Gironde. Parmi une centaine d’autres photographes de 24 nationalités, il est distribué par l’Agence VU.
Plein de silences et de troubles, “Jusqu’aux étoiles de l’aurore ” nous emmène loin de la photographie en tant qu’exactitude reproductive. Le Loët souhaite “montrer la difficulté de percevoir les choses simples”. C’est ce contexte de prise de vue, mu par une démarche introspective revendiquée par l’auteur, qui est vecteur de mystères : une poésie rêveuse s’échappe de ce monde faussement immobile protégé par des grilles, ceints par des clôtures, étouffé sous la neige.
Autant de rappels de l’intelligence émotive de l’artiste qui s’exprime en copieuses masses de noirs profonds et de gris subtils, et réussit ainsi à convoquer une lumière photographique éblouissante.
Jérémie Buchholtz vit entre Bordeaux et Paris, et expose ses œuvres à travers le monde.
Les auteurs photographes ont besoin d’argent, et des commandes ou des achats des institutions doivent leur échoir plus souvent.
” Skopje, Macédoine” est une illustration parfaite de l’imposture consistant à opposer les œuvres personnelles des artistes aux travaux de commande jugés à tort sans intérêt. Jérémie Bucholtz livre à l’Institut français de Skopje un ensemble d’images sous-tendu par une forte dynamique architecturale.
Appréciées à l’unité ou savourées dans leur tout, ces photographies se lisent à l’évidence comme les fruits d’une nécessité artistique. Loin du trouble obsessionnel photographique du touriste qui va se contenter de collectionner des certificats de déplacement, l’auteur creuse notre impression de dépaysement pour nourrir une relation de fascination avec cet autre monde.
Au final, un exercice énigmatique qui confirme que le travail de commande est pour l’auteur photographe un carcan qui peut s’avérer libérateur.
Vincent Monthiers vit et travaille à Bordeaux. Auteur prolifique, et un des vingt-huit photographes (parmi Depardon, Doisneau, Koudelka, etc.) de la Mission photographique de la DATAR qui a représenté le paysage français des années 80 suite à une commande du Premier ministre.
Le jeu d’images ” MÉDOC – Histoire de … ” s’inscrit fidèlement dans l’intérêt de l’auteur pour la notion de territoire. Mais est associée à cet attrait pour les lieux une folie discrète, aussi sobre et polie que les mots timidement inscrits au bas des tirages. Vincent Monthiers mêle la vérité des territoires du Nord-Médoc aux mensonges des vieux contes qui invoquent les esprits et réveillent les anciens mystères.
Ici un renard interdit, là un lapin distrait, ailleurs une bécasse pressée…une impression de bizarrerie submerge le lecteur.
Vaudou médocain ? Somnambulisme photographique, ou suggestion d’un réel inexprimable sans procédé mystérieux ? Il faut abandonner à l’auteur photographe ses arcanes et se laisser séduire par cette beauté qui vient sans explications.
Aurelia MILGU.